Prudhommes : comment et pourquoi Denis Robert a réclamé 400 000 euros, et obtenu 300 000 pour couler Le Média
Depuis que Denis Robert a mis en péril l’existence du Média en procédant à la saisie de la quasi-totalité de sa trésorerie (environ 87 000 euros), un certain nombre de personnes nous posent des questions légitimes. Certains nous demandent pourquoi nous accusons Denis des conséquences d’une “décision de justice” (les prudhommes ont condamné Le Média à verser l’équivalent de 20 ans de SMIC à son ancien directeur de la rédaction, qui a bossé avec nous pendant 18 mois).
D’autres s’interrogent sur le montant astronomique qui lui a été concédé. Il est important de comprendre que ce montant n’est pas tombé du ciel. Denis Robert a choisi sciemment de réclamer une somme insensée, en se servant, sans le moindre scrupule moral, de tout ce dont il pouvait se servir. Il est bon de raconter l’histoire de ces 300 000 euros et de l’insondable rapacité du patron de Blast. Il faut faire un petit effort de technique juridique pour bien comprendre ce qui va suivre. Denis Robert a été recruté au Média après la démission fracassante d’Aude Lancelin de son mandat social de présidente de l’Entreprise de presse Le Média, qui n’avait pas été suivie d’une démission de son poste de journaliste et de directrice de la rédaction (même si elle avait annoncé qu’elle était sur le départ) mais d’un arrêt maladie.
Pour des raisons juridiques, il était impossible de recruter Denis Robert en CDI et de donner l’impression de remplacer définitivement une salariée en arrêt maladie. Il ne pouvait s’agir que d’un CDD de remplacement épousant les conditions contractuelles de la titulaire du poste. En attendant son retour de congé maladie. Un retour qui n’arrivera jamais. Le CDD de Denis se transformera donc en CDI via la signature d’un simple avenant.
Denis Robert a donc eu le même salaire et le même type de contrat qu’Aude Lancelin (le salaire minimum requis par la Convention collective pour un directeur de la rédaction). C’est à ce moment qu’intervient une erreur dont l’instrumentalisation est peut-être en train d’achever Le Média. En effet, comme l’essentiel des premières recrues du Média, Aude Lancelin a été embauchée dans le cadre d’un contrat-jours de 175 jours par an. Mais d’un point de vue salarial, elle était alignée sur un temps plein au regard de la convention collective de la presse quotidienne nationale.
A l’époque nous avions tous signé un accord d’entreprise et une convention individuelle comme le préconise la loi. Sauf qu’une pièce a manqué dans le contrat préparé par nos avocats pour Denis Robert : la fameuse convention individuelle. Il n’y avait là aucune sorte de dessein caché ou de forfaiture. Il s’agit d’une erreur qui ne lui a pas coûté un euro.
Au moment où Denis Robert arrive, il n’y a pas vraiment de responsable administratif et financier au Média. Les titulaires bénévoles de mandats sociaux se débrouillent comme ils peuvent avec l’aide de cabinets d’avocats et d’experts-comptables.
Quand quelques mois après l’arrivée de Robert, on recrute une “vraie” directrice administrative et financière, il s’agit d’une de ses amies proches, qu’il a coopté voire imposé : Françoise Holzer.
C’est Françoise Holzer qui s’occupe des contrats et des bulletins de paie, en relation avec des cabinets extérieurs. Elle négocie les salaires, vérifie les contrats, les fait rectifier si nécessaire, relance les titulaires de contrats-jours pour leur suivi régulier, comme la loi le demande. Bon à savoir : aujourd’hui, Françoise Holzer est la directrice administrative et financière de Blast. Difficile de la soupçonner d’avoir organisé et couvert une spoliation contractuelle volontaire de Denis Robert.
Bref, il y a une erreur dans le contrat de Denis. Il peut s’appuyer sur la jurisprudence pour obtenir la nullité de son contrat-jours et obtenir un requalification en contrat de 35 heures classique. Comme il peut ne pas le faire, dans la mesure où il sait pertinemment qu’il s’est agi d’une erreur de bonne foi. Il choisit de s’engouffrer dans la brèche.
Mais il va bien plus loin. Et augmente progressivement les sommes qu’il réclame. En octobre 2020, en référé, il chiffre son préjudice à environ 80 000 euros. Et en mars 2022, devenu patron de Blast, il exige d’un média considéré comme concurrent environ 400 000 euros soit plus de 30 années de SMIC net. Comment cette croissance exponentielle s’explique-t-elle ?
D’abord, par l’introduction d’une demande nouvelle : des heures supplémentaires qui n’apparaissent dans la procédure pour la première fois qu’en avril 2021. 136 000 euros d’heures supplémentaires soit plus de dix années de SMIC et près de deux ans de son salaire brut le plus élevé depuis son arrivée au Média. Or il n’y a travaillé que dix-huit mois ! Comment cela est-il possible ? Il a tout simplement déclaré a posteriori qu’il avait travaillé l’équivalent d’un double temps plein, c’est-à-dire 70 heures par semaine en moyenne. Et les prud’hommes ont validé ses décomptes rédigés a posteriori. Y compris lorsque leur caractère fantaisiste sautait aux yeux. Certaines semaines, selon ces déclarations a posteriori, il a bossé 18 ou 20 heures par jour.
Trop soucieux d’accabler Le Média, Denis Robert prétend par exemple avoir travaillé 68 heures une semaine — sur deux jours, car il était en vacances le reste du temps. 34 heures de travail par journée de 24 heures !
Au-delà des 136 000 euros d’heures supplémentaires, Denis Robert, toujours pour charger la barque, fait valoir l’accusation de “travail dissimulé”. Il faut savoir qu’il n’avait pas de “n+1” fonctionnel, vu qu’il était le directeur de la rédaction. Personne ne lui donnait de consignes et ne lui commandait de travail. La directrice administrative et financière censée avoir organisé ce travail dissimulé (et qui témoigne sur les 70 heures de travail hebdomadaire qu’il faisait, affirmant ainsi avoir falsifié ses bulletins de paie) l’a fait avec tant de zèle qu’elle a été recrutée par Blast… et a manifestement commencé à y travailler au “black” alors qu’elle gérait encore les comptes du Média. Ce qui est à la fois illégal et immoral.
Par ailleurs, Denis Robert a plaidé le licenciement nul, et non irrégulier, en arguant du fait que la vidéo d’injures vis-à-vis des dirigeants (bénévoles) du Média et d’au moins un de ses subordonnés (moi en l’occurrence, qualifié de fainéant) relevaient de sa “liberté d’expression”. Or cette vidéo est avant tout un des éléments de toute une stratégie dont l’objectif est de prendre le contrôle de l’outil de travail, au mépris de toute obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur. Ou à défaut de discréditer cet employeur, de le déstabiliser de l’intérieur et de le concurrencer via diverses techniques relevant de la concurrence déloyale. Denis Robert a demandé 96 000 euros (plus de sept ans de SMIC) d’indemnité spéciale pour licenciement nul.
Denis Robert a tout fait pour charger la barque et tuer Le Média. En témoignent les évolutions de la réévaluation de son salaire brut de référence au cours de la procédure. En octobre 2020, il n’est pas question de réévaluation. En avril 2021, il demande aux prudhommes de fixer son salaire mensuel brut de référence à 7605 euros d’avril à octobre 2019 et à 8227 euros de novembre 2019 à octobre 2020. Et en mars 2022, il réclame une réévaluation de son salaire brut de référence à plus de 12 000 euros. Sachant que le salaire minimum brut d’un directeur de la rédaction selon la Convention collective de la presse quotidienne est d’environ 5 500 euros brut ! Sachant qu’en 2018, le plus gros salaire brut du quotidien Libération, autrement plus riche que Le Média et alors contrôlé par le milliardaire Patrick Drahi, était de 10 000 euros brut !
Tous ces faits mis bout à bout nous montrent que l’énorme crise dans laquelle Denis Robert nous a conduit ne relève pas que de “l’application de la loi” comme disent certain.e.s. Les différentes réclamations de Denis Robert (qui se servent à la base d’une erreur technique pour faire table rase et imposer un récit et aboutissent à réclament à son ex-employeur devenu concurrent environ six mois de recettes d’abonnements) avaient et ont un seul but. Se venger. Tuer.
Il ne s’agit pas que d’un débat juridique. Il s’agit d’une question politique et éthique.