Oui, Arrêt sur images a été complaisant vis-à-vis de scandales touchant Denis Robert…

kouamouo
7 min readJul 11, 2022

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Alors que je ne sais pas si Le Média TV, mon employeur, survivra à la bourrasque dans laquelle son ancien directeur de la rédaction l’a plongé, en saisissant (à la manière d’un fonds vautour) la quasi-intégralité de sa trésorerie, et alors que nous salariés nous nous battons tous pour ne pas nous retrouver au chômage, j’ai été traité de menteur par un journaliste d’Arrêt sur Images.

Et cette opprobre fait remonter à la surface des blessures jamais cicatrisées, des bleus à l’âme causés par l’invisibilisation — notamment par Arrêt sur Images — des outrages racistes dont j’ai été la cible au Média TV. Cette invisibilisation qui est elle-même en partie une des conséquences du déficit de sympathie dont notre collectif souffre depuis le début de cette aventure journalistique.

Tout commence par un thread Twitter dans lequel je dévoile une lettre envoyée par notre ancien directeur de la rédaction, Denis Robert, à Claude Grundman-Breitman, femme d’affaires et femme d’influence franco-israélienne, identifiée par plusieurs sources comme une lobbyiste proche de la droite extrème israélienne. Dans cette lettre, Denis Robert quémande de l’argent et livre à son interlocutrice la liste des sujets d’enquête sur lesquels notre équipe travaille, ainsi qu’une liste de journalistes qu’il compte faire travailler grâce aux 240 000 euros qu’il sollicite — certains d’entre eux sont tombés de leur chaise quand ils ont vu le scan de ce courrier sur mon compte Twitter, vu qu’ils n’avaient jamais été consultés avant cette initiative qui viole les règles déontologiques les plus élémentaires.
Dans le même thread, je dévoile un mail envoyé par Denis Robert au président de l’Entreprise de presse Le Média (EDPLM, avant la transformation en coopérative) et à un collègue. Dans ce mail :

  • Il se plaint de mes chroniques et d’une chronique en particulier sur le mouvement “Black lives matter” intitulée “nous sommes tous des Nègres et nous vaincrons”.
  • Il demande indirectement à ce que je sois sinon censuré, du moins contrôlé.
  • Il explique à l’appui de sa demande qu’il est ​​”sollicité à ce propos régulièrement par des amis qui s’énervent contre lui et trouvent sa grandiloquence fatigante” et que “Claude Breitman s’en était elle-même offusquée”. Ce qui est grave de son point de vue, vu qu’il lui demande de l’argent et qu’il veut lui plaire. Ce qui prouve qu’avant même d’avoir donné le moindre kopeck au Média, elle exerce (si l’on en croit Denis Robert) des pressions politiques sur le directeur de la rédaction. Qui y cède, et demande que son rédacteur en chef soit contraint à moins donner son opinion.
  • Par ailleurs, à l’appui de sa thèse, il diffuse un mail contenant des injures racistes d’un de ses contacts me concernant. Un de ses contacts dont Le Média co-édite un livre. Que dit ce contact ou cet ami ? “Bonjour Denis, merci pour le démarrage du livre sur le Media. Si je peux te donner un conseil , ne laisse pas Theo K publier trop de choses (qui par ailleurs sont incompréhensibles) , franchement ça porte un préjudice fort au site, dans l’onglet actu il délire à l’africaine”.

Toujours dans le thread évoqué plus haut, je précise : “Des médias, notamment @arretsurimages, ont été informés de ces insultes racistes et de ces violations graves de l’éthique journalistique. Ont reçu les preuves. Ont refusé d’en parler.”

Mais assez vite, un journaliste d’Arrêt sur images, Loris Guémart (destinataire de mes alertes sur les partages racistes de Denis Robert et sur ses manœuvres visant à satisfaire politiquement une éventuelle future mécène), surgit pour m’accuser de mentir. Il écrit :

“Il faudrait veiller à ne pas mentir publiquement. J’ai bien pu consulter cette chaîne de mail dans laquelle Denis Robert rebondissait en interne contre toi, avec le mail que tu cites, sur la plainte aux relents racistes que lui avait adressé quelqu’un d’autre extérieur au Média. (…) Appelons un chat un chat : tu as accusé publiquement Arrêt sur images (c’est-a-dire moi en l’occurrence) d’avoir eu des éléments démontrant le racisme de Denis Robert et la faillite éthique du même avec cette mécène. Ce qui est faux.”

Loris Guémart déforme mes propos. Je n’ai pas parlé publiquement d’éléments démontrant le racisme de Denis Robert mais d’éléments démontrant qu’il avait diffusé des insultes racistes me visant. C’est écrit noir sur blanc.

Loris Guémart prétend ne pas avoir eu d’éléments évoquant la “faillite éthique de Denis Robert avec cette mécène” alors qu’il a bien reçu ce courriel de l’ancien directeur de la rédaction du Média s’émouvant de ce qu’une lobbyiste très éloignée des valeurs de notre Manifeste désapprouve une vidéo sur le mouvement Black Lives Matter… et essaye d’obtenir une mise sous surveillance voire une restriction de ma liberté éditoriale.

C’est sa liberté absolue — et la liberté d’Arrêt Sur Images — de ne pas faire cas de ces comportements extrêmement problématiques et contraires à l’éthique professionnelle. Après tout, le journalisme consiste à faire des choix. Mais jeter l’opprobre sur moi en m’accusant de mentir, ce n’est pas admissible.

D’autant plus qu’au passage le journaliste d’Arrêt Sur Images révèle une conception très étrange des outrages à caractère raciste en entreprise. Déjà, quand il parle d’éléments démontrant “le racisme” de Denis Robert qui seraient inexistants, il serait bon de lui expliquer que le racisme n’est pas une question morale ou évanescente, une infirmité qui toucherait une catégorie de la population et pas une autre.Il existe des actes racistes, des propos racistes, des présupposés racistes, des instrumentalisations du racisme… Et dans le cas d’espèce, on a affaire à un partage de propos racistes. Qui imagine un débat sur le non-racisme éventuel de quelqu’un qui retwitterait des propos sur les “délires à l’africaine” d’un journaliste noir et qui n’aurait pas écrit au préalable “je suis X et j’approuve ce propos raciste” ? Voyons !

C’est pourtant la controverse qu’essaie de construire Loris Guémart.

C’est proprement scandaleux, d’autant plus que Denis Robert approuve très clairement les propos sus-cités. Son premier mail est un partage de propos peu amènes (tenus par quelqu’un d’autre) au sujet de ma chronique sur Black Lives Matter où je délirerais à l’africaine. Dans son second mail, il explique que « les exemples que donne ici Marc E. sont l’illustration de ce que je dis ». Si ce n’est pas une approbation, je ne sais pas ce que c’est. D’ailleurs, l’instrumentalisation que Denis Robert fait de ces propos racistes irrite un de ses plus proches alliés d’hier comme d’aujourd’hui. Lequel lui rétorque : « Alors là Denis Stop (…) E. me casse les bonbons avec ses retours sur Théo, c’est juste un vieux raciste ».

Fait assez piquant, Denis Robert instruit également un assez drôle de procès politique contre moi quand on sait que Le Média est de gauche. « Je suis directeur de cette rédaction et à ce titre responsable de ce qui s’y dit. Entendez moi bien, il peut s’exprimer sur le Média des pensées différentes des miennes et ça ne me gêne pas de donner la parole à des écolos, des socdem ou de cryptocommunistes. Je ne remets pas en cause l’implication de Théo et son labeur. Là, il s’agit d’autre chose… D’un positionnement ». D’un positionnement antiraciste, précisons.

Mais pour Loris Guémart tout ceci relève de mes « affirmations » et de « sous-entendus potentiels indirects ».

Et pourtant ce qui se joue est loin d’être anecdotique. A travers cette attaque, Denis Robert cède aux desiderata réels ou anticipés d’une femme d’influence, Claude Grundman-Brightman, liée à Elnet, organisation qui, selon Orient XXI, “incarne le lobby pro-israélien dans l’Hexagone”. Elnet est en effet le partenaire du collège académique de Netanya, qu’elle dirige. Sur le site d’Elnet, on peut lire un édito d’elle sur l’eau, clé de la paix au Moyen-Orient. Mais également des prises de position assez radicales comme cette tribune publiée dans un premier temps dans Le Figaro, sur les “dangereux prophètes de Black Lives Matter”. Ou cette vidéo sur l’antiracisme dévoyé que représente ce mouvement, qui pourrait menacer “l’universalisme des droits de l’homme”. Tout cela n’est absolument pas anecdotique. Tout cela remet en cause l’indépendance éditoriale d’une rédaction financée par des socios qui ne s’attendent pas à ce qu’elle soit influencée par des entrepreneurs idéologiques à l’opposé de leurs valeurs. Mais il faut croire que ce n’est pas important, aux yeux de Loris Guémart d’Arrêt sur Images.

Ce qui est le plus grave, c’est quand mon néanmoins estimé confrère affirme qu’absolument personne d’autre que moi n’avait confirmé ce qu’il présente comme mes accusations de racisme. C’est lunaire. Déjà Loris Guémart n’a jamais interrogé à ce propos le destinataire de ces mails problématiques c’est-à-dire Julien Théry. Il attendait que spontanément, sans qu’il lui ait posé la question, il lui confirme mes accusations supposées ? Et puis, étant donné que j’étais le seul Noir parmi les journalistes en CDI à l’époque, qui aurait donc dû confirmer ce qui ne pouvait viser que moi ?

​​Loris Guémart par la suite explique qu’il n’a pas évoqué cette affaire de partages racistes parce que son article (du 15 septembre 2020) était déjà trop long. Sauf que je lui ai envoyé les courriels problématiques de Denis Robert… le 22 septembre 2020. Et il a implicitement subordonné tout travail sur ce sujet à des dépôts de plainte de ma part et de celle de Lucas Gautheron, jeune collègue ayant accepté le rôle de directeur de publication et ayant subi (outre le stress des procès en diffamation) les avanies de Denis Robert. Nous avions prévu de le faire, et nous ne l’avons pas fait, car des procédures judiciaires coûtent cher. Et bien entendu, dans son travail de vigie de la presse (et du Média TV), Arrêt sur images ne s’est jamais astreint à n’enquêter sur des faits de maltraitance et d’outrages qu’en cas de plainte préalable…

Bref, je n’ai jamais menti sur le compte d’Arrêt Sur Images, mais un de ses journalistes (qui est en même temps le rédacteur en chef adjoint et le médiateur, s’est précipité pour me disqualifier en le prétendant). Et son tweet a été liké par la rédactrice en chef et par la journaliste qui écrit en ce moment sur la crise entre Denis Robert et Le Média. Si ce n’est pas de la franche hostilité, je ne sais pas ce que c’est. D’autant plus qu’au final, il édulcore son accusation de mensonge.

Je ne suis, bien entendu, pas responsable de ses déductions.

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