Arrêt sur Images contre Le Média : pour en finir avec un article à charge et mensonger

kouamouo
9 min readMay 22, 2022

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J’ai commencé à écrire ce texte il y a plusieurs mois. Pris par un travail très prenant et me disant “à quoi bon ?”, je ne suis pas allé au bout. Mais les attaques contre Le Média reprenant et se fondant sur l’article d’Arrêt sur images dont il est question ici, je l’ai achevé et j’ai décidé de le diffuser. Comme je diffuserai des informations qui n’auront peut-être pas d’impact sur les rafales d’hostilité que nous nous prenons, mais qui témoigneront en cas de besoin pour l’histoire.

Ce mercredi 26 janvier 2022 au matin, le site d’info spécialisé Arrêt sur Images (ASI) publie un article sous la plume de Maurice Midena, intitulé “Le féminisme du Média contredit par sa gestion (de crise)”. Il faut dire d’entrée de jeu qu’ASI est dans son rôle quand il enquête sur le fonctionnement des médias français, au-delà de leurs contenus bien entendu. Pour ma part, je considère qu’un média comme ASI, qui constate — et déplore — la mainmise des milliardaires sur l’information en France, ne peut pas “bombarder” à plusieurs reprises un petit média indépendant comme le nôtre, alors qu’il connaît les effets dévastateurs de ses coups de semonce sur notre réputation, nos abonnements et notre survie. Mais bon. Chacun est libre de sa ligne éditoriale.

Le fait est que cet article du 26 janvier 2022 raconte des difficultés et des conflits réels en les simplifiant ou en les tordant. Objectif : venir en soutien à la vendetta de deux ou trois journalistes qui sont partis fâchés ; désigner des “gentils” et des “méchants” et dénoncer un prétendu sexisme structurel.

Le problème est qu’ASI écrit des choses fausses — et ces choses fausses sont un bon prétexte donné à l’extrême-droite et à ses comparses plus ou moins masqués. Ces choses fausses apparaissant notamment dans les intertitres (écrits dans des caractères plus massifs que ceux du reste de l’article). Certaines de ces choses fausses, j’ai poussé l’auteur et l’éditeur de l’article à les rectifier via des messages sur le forum d’ASI, des SMS et des coups de fil. Mais TOUTES ces choses fausses allaient dans le même sens : celui de nos contradicteurs.

“L’embauche de Taha Bouhafs imposée face à une femme” : l’intertitre mensonger à peine rectifié

Arrêt sur Images écrit dans son article initial, en dessous de l’intertitre mentionné ci-dessus : “Fin 2020, les journalistes demandent à la direction l’embauche d’une journaliste dédiée aux questions de genre. Ils proposent la journaliste Maud Le Rest après avoir rencontré plusieurs candidates — la direction avait donné son accord, selon le délégué SNJ-CGT. Surprise : entretemps, Kouamouo a approché le journaliste de Là-bas si j’y suis, Taha Bouhafs. La direction le recrute, Maud Le Rest devra se contenter de proposer des piges”. En effet, présenté comme ça, il s’agit d’un sabotage en bonne et due forme d’une promesse de contenus féministes. Vu par un cerveau d’extrême-droite (et nous savons comment ils fonctionnent dans ce pays), ça s’entend : le rédacteur en chef mâle et Noir fait un croche-pied à une journaliste féministe et Blanche pour placer un journaliste mâle et Arabe. Celui qui dit ne pas se rendre compte de ce type d’effets sociaux est soit un naïf soit un tartuffe. Et bien entendu, ça ne manque pas.

Et pourtant, ce récit est mensonger. Et pour le démonter, il suffit d’obliger son auteur à un effort de chronologie.

Taha Bouhafs a été approché fin novembre 2020. Son embauche a été débattue au sein de la rédaction et entérinée par une très large majorité début décembre 2020. C’est à la suite de ce débat qu’une partie de la rédaction a réclamé que le prochain journaliste embauché en CDI soit une journaliste spécialisée dans les questions de féminisme et de genre. Une annonce a été publiée, et ce n’est qu’en mars 2021, alors que Taha était déjà bien installé dans la rédaction du Média, que Maud Le Rest y est venue pour la première fois dans le cadre d’un pré-entretien d’embauche.

Dans le forum d’ASI, j’évoque cette chronologie tronquée. Maurice Midena me dit “merci pour ces précisions”, et ajoute que je ne les lui avais pas apportées lors de nos entretiens téléphoniques. En gros, c’est ma faute s’il s’est tellement embarqué avec ses sources privilégiées qu’il a écrit n’importe quoi. On remarquera qu’il ne s’excuse pas de m’avoir accusé en des termes assez graves d’avoir intrigué pour faire dérailler le processus de recrutement d’une femme.

J’envoie des éléments qui prouvent ce que je dis à Midena. ASI modifie son texte. Et écrit : “En décembre 2020, la rédaction, informée par la direction de son souhait de recruter le journaliste Taha Bouhafs, pose cependant une condition : l’embauche d’une journaliste dédiée aux questions de genre. Selon un journaliste, la demande est acceptée, une offre d’emploi est publiée, la rédaction rencontre plusieurs candidates de janvier à mars, et choisit Maud Le Rest.”

Mais ASI ne modifie pas l’intertitre mensonger. Je dois le faire remarquer pour qu’un nouvel intertitre soit rédigé. Mais le nouvel intertitre est toujours mensonger, d’un point de vue chronologique. Le voici : “L’embauche de Taha Bouhafs privilégiée à celle d’une femme”. La note de mise à jour d’ASI est tordue : “Correction : dans la version initiale de cet article, il était indiqué que la rédaction avait découvert l’embauche de Taha Bouhafs. C’est faux, elle avait en réalité négocié au moment de son embauche, dont elle était informée, l’embauche parallèle de Maud Le Rest.” En réalité, il ne s’agit pas d’une embauche “parallèle” mais à la suite. Sauf qu’ASI veut continuer à maintenir la fiction d’un “choix” (qui n’a jamais existé) entre Taha et “une femme”. Vu que ça va dans le sens du sexisme structurel au Média.

“Une pigiste chassée par différend idéologique” : un autre intertitre mensonger

Elsa Margueritat a démissionné du Média via un courriel datant du 16 septembre 2021. Pour évoquer cette démission, Arrêt sur Images écrit dans le corps de son texte qu’elle “abandonne”. Le mot démission n’est jamais écrit. Et l’intertitre explique qu’elle a été “chassée par différend idéologique”. Je m’étonne de l’utilisation du mot “chassée”, là où s’agit d’une démission. Arrêt sur Images refuse de le changer, réclamant le droit à l’interprétation de cette démission. Bien entendu, le site fasciste Fdesouche utilise cette aubaine et titre : “LeMediatv.fr : une pigiste chassée après avoir été traitée de graine de faf par Taha Bouhafs parce qu’elle avait liké un tweet de Polony”.

ASI a eu accès à la lettre de démission d’Elsa Margueritat. Certes elle y évoque ses vieux griefs (qui ne l’ont pas empêché de rempiler pour la nouvelle saison avec enthousiasme comme auraient pu le prouver ses messages Telegram nous étant destinés et qu’elle a intégralement détruits — des deux côtés — avec application après avoir sélectionné des captures d’écran décontextualisées qui l’arrangeaient). Mais dans cette lettre, elle évoque ce qui la pousse à la démission. Avant l’envoi de cette lettre, notons-le, elle m’avait fait parvenir un message furibard suite à la diffusion sur Twitter d’une image de promotion où l’on voit notamment David Guiraud et Nadiya Lazzouni.

Dans sa lettre, Elsa Margueritat s’en prend à notre choix d’inviter comme chroniqueur régulier David Guiraud, porte-parole Jeunesse de la France insoumise, par ailleurs invité régulier de BFM et de CNEWS. Voici ce qu’elle écrit alors : “Inviter une personne en tant que représentant politique, c’est une chose, nous serons alors contraints aux exigences du CSA (précision : nous ne sommes pas soumis aux exigences du CSA), mais embaucher un représentant politique comme chroniqueur régulier… Cela interroge sur la place du Média dans le paysage médiatique. Je m’étonne très sincèrement que cette décision pas anodine n’ait pas été communiquée aux journalistes. On me répondra qu’en tant que pigiste je n’ai jamais mon mot à dire sur les embauches. C’est tout à fait vrai, mais pour les embauches de journalistes qui ne mettent pas les contributeurs en difficulté, pas pour les représentants politiques ou les éditorialistes qui répandent des discours très douteux. De cela, vos collaborateurs devraient être prévenus, pour qu’ils puissent prendre les décisions qui s’imposent. Je ne m’y oppose pas mais je ne souhaite plus, en aucune façon, être associée au Média.”

Pourquoi ASI passe-t-il sous silence la raison qui finit par décider Elsa Margueritat à démissionner ? Pourquoi ASI omet-il de dire qu’elle a été membre des Constituants, mouvement constitué d’anciens membres de la France insoumise exclus ou partis fâchés ? Qu’elle a co-animé sur QG d’Aude Lancelin l’émission “Quartier constituant”, portée par ce mouvement politique, dont l’un des principaux animateurs était François Cocq, ancien orateur France insoumise, devenu porte-parole d’Arnaud Montebourg ? Qu’elle a écrit pour Reconstruire, un site notoirement proche de Djordje Kuzmanovic et de son parti République souveraine ? Ce sont des éléments de contexte importants.

Le mythe des tournages sabotés

Arrêt sur Images endosse complètement le récit d’Elsa Margueritat au sujet d’un de ses tournages qui aurait été volontairement perturbé au mois de mai par des collègues malveillants. Pour qui connait Le Média, c’est un openspace sur trois étages. Les bruits des personnes dans la rédaction, de la machine à café qui se met en marche pour réglages toute seule… sont le lot de toutes les personnes qui enregistrent dans le studio. On râle, on se plaint, on crie “silence !” à plusieurs reprises. Plusieurs de nos invités, réguliers ou pas, peuvent en témoigner. C’est une de ces scènes habituelles (et pénibles) qui est arrivée ce jour de mai. Elsa estime que c’est fait exprès pour lui nuire. Et ASI l’endosse comme ça, sans vérifier. Sans solliciter les explications es témoins directs, c’est-à-dire les techniciens de studio. Sans interroger à ce sujet les perturbateurs supposés. Suite à des SMS que je lui envoie, après avoir moi-même discuté avec Thomas Porcher et des techniciens de studio, je me rends compte que Maurice Midena a interrogé Thomas Porcher, qui co-anime l’émission, lequel lui a dit n’avoir rien vu, ce qu’il n’a pas mentionné dans son papier. “La scène a eu lieu après son départ”, dit-il. Je lui dis que j’ai parlé aux techniciens de plateau qui étaient présents, et qui n’ont pas confirmé ce qu’il raconte. “S’ils ont des choses à me dire, ils peuvent m’appeler”, me répond-il. Alors que son travail, s’il l’avait bien fait, aurait dû consister à recouper ses informations auprès d’eux. Se ravisant, il appelle un technicien de plateau. Qui n’était pas là ce jour-là. Il me faut insister lourdement pour qu’il en contacte un autre. Qui était là. Et conteste fermement “toute intention de nuire” derrière les bruits qui ont pu incommoder Elsa Margueritat. Que fait Maurice Midena ? Il publie une brève citation de son interlocuteur entre parenthèses et, en violation des règles de mise à jour d’Arrêt sur images, ne notifie pas ce changement dans le petit “encadré” au bas de son article. C’est vrai qu’autant de rectifications pour un seul papier, ça interroge…

A aucun moment, avant d’écrire son papier ou après avoir écrit son papier, il ne cherche à savoir qui sont les journalistes qui ont (involontairement) perturbé le tournage de Elsa Margueritat. Et pourtant : 1. Taha Bouhafs n’en fait pas partie 2. Des personnes notoirement proches d’Elsa Margueritat en font partie. Il n’appelle pas les journalistes qu’il accuse pourtant de pratiques pouvant relever du harcèlement pour recueillir leur version des faits.

Normal : tout ce qui ne va pas dans le narratif des personnes qui le fournissent en infos tronquées peut être mentionné, à condition de ne pas contredire sur le fond et dans la structure, un narratif biaisé.

Le conflit d’intérêts caché…

Comble de la tartufferie : Maurice Midena se fend d’une sorte de déclaration d’intérêts à la fin de son article. “Conflit d’intérêts : l’auteur de ces lignes partage le même éditeur que Taha Bouhafs”, peut-on lire.

Et pourtant, le vrai conflit d’intérêts qu’il dissimule est le fait qu’il est un ami d’Elsa Margueritat dans la vraie vie. Ami avec Elsa Margueritat et avec Hadrien Mathoux, (un pote d’école de journalisme), journaliste à Marianne, Maurice Midena a produit autant d’erreurs et d’approximations dans son papier parce qu’il était peut-être un peu trop impliqué… Les abonnés d’Arrêt sur images, dont les journalistes passent pour “les boeufs carottes du journalisme”, avaient le droit d’en être informés…

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